Etats d’âme
Titre d’un excellent film des années 80 qui n’a pas reçu le succès qu’il méritait," Etats d’âme" décrivait ce que nous ressentions, nous militants fidèles de mai 68, douloureuses victimes des virages à 240 degrés du PSU et de la CFDT des années 70 et tragiquement déçus par la trahison en 1983 des espoirs de mai 81.
Oui nous avons vécu ces années, recherché dans une quête infructueuse, l’organisation idéale qui nous permettrait de continuer le combat qui a toujours été le nôtre. C’est ainsi que, comme moi des milliers de militants se sont lancés dans cette quête, expérimentant les formes les plus diverses, celle des mouvements alternatifs de base comme nous disions, celles dans lesquelles je me suis lancé avec enthousiasme aux élections municipales de 1989 à Orléans, aux législatives de 1993 dans la deuxième circonscription du Loiret et aux cantonales de 1994 dans le quartier Saint Marceau d’Orléans. Oh les scores ne faisaient pas la une des médias, mais nous étions certains d’avoir semé quelque chose. Comme tout mouvement non structuré par l’adhésion et l‘organisation, ceux qui existaient n’ont pas fait mentir la règle, celle de l’autodestruction, certains d’entre nous partant vers les Verts, d’autres, la plupart en fait rejoignant l’immense cohorte, qui ressort à chaque élection, des déçus qui cherchent l’idéale organisation des non-organisés, nul doute qu'il en sera ainsi de la FI.
Pour ma part j’ai continué ma quête et ai fait en 1995 l’expérience de « compagnon de route du PCF dans des élections municipales à Gien, ma ville natale et adorée. Là aussi cet engagement trouva ses limites dans le sens où le PCF, tu y adhère mais ses positions sur le nucléaire et sur le lien PC/PS m’en empêchaient et ce fut une nouvelle grande déception et un désengagement que je considérais comme définitif, me limitant aux combats qui sont ceux de ma vie : dans le sillage de la position plus que courageuse de Jean-Luc Mélenchon, je fus de tous les combats pour le droit à la vie commune des homosexuels, j’ai continué les combats écolos de l’anti-nucléaire, ceux du temps où nous occupions le Larzac, ceux de l’antiracisme et contre le scandale que fut la progression du FN orchestrée entre autres et surtout par le PS et j’ai vécu la douleur des élections présidentielles de 2002.
Cependant 2005, là encore grâce à Mélenchon, m’a permis de retrouver l’optimisme avec notre beau combat et surtout notre victoire contre le traité européen. Enfin nous avions gagné, enfin nous allions pouvoir partir sur d’autres bases, enfin Mélenchon et ses camarades de PRS ne pourraient plus longtemps croire qu’il était possible de réformer ce parti renégat au socialisme, de l’intérieur.
2007 et la victoire d’un Président qui misait sa campagne sur l’anéantissement des idées de mai 68 et dont la récupération des idées et comportements du FN était notoirement connue fut un triste jour mais pouvait-il en être autrement dans ce système monarchique qu’est la 5ème République.
Et puis est venu le temps de l’espoir, en Novembre 2008, Jean-Luc Mélenchon et ses camarades quittent enfin le PS et créent un espoir immense avec le Parti de Gauche. Inquiet de la conception proclamée dès la naissance des notions de parti creuset mais surtout avec la confiance inadaptée faite au PCF que notre petit parti croyait faire évoluer, j'y adhère convaincu par un jeune militant sincère que j'avais découvert du haut de ses 24 ans en 2005.
Oui j’avais cette certitude que le Front de Gauche était voué dès sa naissance à l’échec, qu’à un moment donné le PCF se débarrasserait du PG quand celui-ci ne lui était plus utile. C’est ce qui se produisit aux présidentielles 2012, moyennant un accord de 80% des candidats aux législatives pour permettre au PCF de rebondir sur les 11% de Mélenchon, c’est ce qui se produisit aux municipales de 2014 où à Paris mais aussi dans 50 % des grandes villes, le PCF préféra l’accord avec le PS au nom de la sacro-sainte unité des forces de gauche (incluant le PS dans ces forces malgré 30 années de choix de droite pour ce parti). Nous étions un certain nombre à prôner, fort de cet attitude aussi logique qu'inacceptable la sortie du FDG mais bon.....
J’ai donc fait ce que j’ai pu avec mes camarades dans ce parti, où j’ai eu l’honneur et la joie pendant 5 années d’être membre du CN, pour sortir de cette erreur du FDG et j’ai naïvement cru que nous avions réussi en 2015 au congrès de Villejuif… Ben non, ce que nous avions semé dans les têtes n’a pu aboutir à une position claire n’a pas passé le cap des élections régionales de décembre, créant dans notre parti une situation tragique difficile à surmonter. Il ne s’agit pas pour moi, d’accuser qui que ce soit, ces erreurs sont notre fait commun entre ceux qui les ont portées et ceux qui, comme moi, n’ont pas réussi à les empêcher.
Le résultat, c’est que notre parti qui devait être celui de la Révolution citoyenne, empêtré dans la recherche d’un inaccessible ailleurs, s’est progressivement délité, priorisant le mouvement électoral appelé France Insoumise qui reste ce qu’il a été, l’outil de la prise du pouvoir présidentiel, étape essentielle du la Révolution citoyenne certes mais avec excès de légalisme et de réalisme comme sont ses orientations sur le processus constituant ou sur le salaire net choisi par rapport au salaire brut ( problème important s’il en est).
Et nous pouvons pressentir ce qui risque de se passer en regardant le mouvement social d’aujourd’hui qui rappelle furieusement la fracture qui existait en mai 68, la priorité du social sur le sociétal illustré par la vision d’un mai 68 basé sur Grenelle et par l’oubli des aspirations profondes de la jeunesse et de la très jeune mais très claire CFDT, celle qui a conduit les uns à traiter les autres de jeunes irresponsables conduisant à la guerre civile sans reprendre pour la Nième fois la déclaration scandaleuse des jeunes « trotskistes, anarchistes à la solde de … »
Bref, si nous l’avions voulu, si nous avions été écoutés, ce que fait le FI aujourd’hui, le PG pouvait le faire, consolider l’engagement des soutiens à la candidature de Mélenchon, porter avec le peuple le vote de 7 millions de citoyens, bref, nous avons tragiquement et pour longtemps raté ce coche, laissant la FI évoluer, tel un bateau ivre, vers des rivages incertains qui, malgré tout je le souhaite, ira vers le grand mouvement révolutionnaire pour une révolution citoyenne où sera la nouvelle force destinée à remplacer le PS social- démocrate et à évoluer comme il a évolué.
Pour ma part je l’ai dit, l’avènement du PG fut pour moi une bouffée d’air politique, les jeunes que j’y ai côtoyé, certains étant devenus des amis, et certains, privilégiant l’amitié sur les divergences politiques, l’étant restés. J’y reste adhérent et si possible militant et je l’accompagnerai jusqu’à sa mort ou la mienne.
Voici donc revenu, hélas, le temps des états d’âme…..