Fin de partie…ou plutôt retour aux sources : les luttes
Ce dimanche 10 avril, chargé de toutes les espérances aura finalement été le révélateur de certaines limites, celle du combat électoral, celle de la révolution fut elle citoyenne par les urnes, celle de la politique politicienne.
Tout d’abord, je dirai à Jean-Luc Mélenchon un énorme merci. Enorme merci pour sa vie de combat exemplaire, pour son courage, pour tous ces faits de chaque séquence de ces 30 dernières années qui devaient le porter avec nous, milliers de militants, ceux qui comme moi ont 55 années de militantisme, qui ont été tant de fois déçus et trompés et qui, derrière lui ont découvert un milieu politique sincère, combatif, réfléchi, qui avec lui et la belle aventure du Parti de Gauche ont fait que la gauche, la vraie, celle qui ne combine pas avec l’ultra libéralisme a frôlé le second tour d’une élection capitale et peut être la victoire et ceux qui sont notre avenir, les milliers de jeunes, certains votant fièrement pour la première fois au seuil de leur majorité avec ceux qui avaient, par désespoir abandonné ce terrain et qui, grâce à Jean-Luc, ont retrouvé un chemin qu’ils ne sont pas près de quitter et où ils porteront l’espoir.
Mais après ce merci, regardons la situation au travers de son histoire et de ses réalités.
Comme le dit ma camarade Bernadette Leyder dans un de ses statuts : » Mais c'est comme si on découvrait que le fascisme existait et qu'il était à la porte de l’Élysée !
Outre la période de la guerre, mais en fait ça fait 40 ans qu'il est une menace !
Ça a commencé avec l'affaire de Dreux, lorsque le 11 septembre 1983, le Parti socialiste a perdu la mairie au profit d'une liste RPR-Front national. «
En effet, il faut regarder cette situation au regard des 40 ans passés. Il y a certes cette affaire de Dreux où la porosité RPR/FN s’est révélée, en notant cependant qu’à cette époque, le RPR était encore un parti républicain traditionnel que je combattais mais respectais, il le restera jusqu’à l’avènement de Sarkosy qui, au travers de la ligne Buisson a scellé la dérive des idées nauséabondes banalisées.
Mais n’oublions rien…en 1982, il se trouvait des ministres PS qui savaient quitter les plateaux de télé dès lors que M. Le Pen était invité à la même table mais c’était sans compter sur le président Mitterrand qui, après avoir donné le signal en amnistiant les généraux de l’OAS, intimait l’ordre aux différents media de considérer le FN comme un parti républicain et donc priait les « socialistes » de bien vouloir accepter le débat. S’ils ont mollement protesté pour l’amnistie, ils se sont joyeusement prêtés aux débats avec l’engeance raciste et xénophobe qui avait désormais table ouverte…
Et les années passèrent ainsi, sous de beaux prétextes, la proportionnelle ouvrit au FN les portes de l’Assemblée nationale.
Vers 1995, notre camarade Mélenchon, alors encore au PS, arguant du fait des positions anti républicaines du FN, et du fait juridiquement incotestable que ses positions racistes étaient incompatibles avec notre République, demanda , avec quelques autres, son interdiction…fin de non-recevoir…
La période Jospin, parmi toutes ses ambiguïtés, fit voter la réforme institutionnelle qui instituait le quinquennat qui portait en elle les germes d’une cohabitation désormais impossible.
Et puis arriva ce qui devait arriver le 21 avril 2002, un électorat profondément marqué et déçu par les années PS tentait un tour de valse autour d’un Le Pen dédiabolisé, et la classe politique bourgeoise appréciait un nouveau joujou…l’assurance-vie du second tour est là, une peur qui fait élire le sortant dans un mouchoir de poche.
Puis arrivent les épisodes concomitants, un Sarkosy qui fait son trou à coups de menton malgré les réserves honorables, sur ce point, d’un président Chirac et le projet d’un nouveau traité européen livrant notre pays pieds et poings liés aux diktats ultra-libéraux de la commission européenne dans lesquels le président Mitterrand nous avait engagé dès 1983. Le PS appelle au OUI et Jean-Luc Mélenchon prend avec d’autres la tête du combat pour le NON qui devait aboutir à la belle victoire du 29 mai 2005.
Mais 2007 vit la victoire du sinistre Sarkosy et de ses coups de menton, « je liquiderai l’héritage de mai 68 » lequel, entre autres méfaits comme la ligne Buisson, le retour dans l‘OTAN ou la Lybie, s’empressa de répondre à la commission pour balayer le vote du peuple français d’un revers de main à Lisbonne.
De cette affaire est probablement né le dégoût de l’électorat pour la politique que la période Hollande ne va pas arranger avec sa reconduction du traité de Lisbonne sans changer une virgule, sa répression violente de tout ce qui conteste les lois travail….
Et 2017 consacra les records d’abstention en même temps que le joujou de 2002 faisait son office en voyant arriver face à un Macron porté par la finance, la fifille de l’autre dédiabolisée par des media inconscients de leurs propres risques en cas de victoire. La période Macron devrait consacrer quant à elle la propension historique de la finance à tenir dans les mains le pouvoir politique jusqu’à encourager la montée des extrêmes droites, ce à quoi le président Macron s’attacha avec brio quoi qu’il en coûte en mutilations diverses et variées et quelques décès.
Le temps avait fait son œuvre, le climat raciste spécialement anti musulman, le soutien aux répressions par peur d’une violence même si celle-ci venait de proches collaborateurs de l’Elysée ou d’une police dynamisée par un syndicat dont nous connaissons les tendances, des media tenus par 9 milliardaires montant en épingle jusqu’à la candidature un polémiste d’extrême-droite et une soi-disant « gauche responsable » rejointe, contre toute logique par une direction PCF soutenant une manifestation de policiers réclamant primauté de la police sur la justice, le tout n’ayant qu’une seule cible : Mélenchon que la presse avait démoli ou ignoré pendant tant d’années, les esprits étaient prêts pour un duel autoritarisme financier contre dictature fasciste…
Malgré l’abstention restant à haut niveau par dégoût de ces joutes électorales (ce qui n’excuse en rien l’absence de civisme) et les campagnes anti Mélenchon, il s’en fallu de bien peu pour que le scenario voulu ne se réalise pas…malheureusement il s’en fallu de peu.
Aujourd’hui, la triste réalité s’impose à nouveau, révélant les tendances de tous ceux, toutes celles, qui vont sans honte, avec tous les prétextes y compris celui de préférer le fascisme à un nouveau mandat Macron, pouvoir se déclarer ouvertement votants pour la représentante du racisme, de la haine et de l’anti social.
Loin de moi l’idée de trancher ce débat cornélien entre vote Macron, vote blanc/nul ou abstention, je respecte à la lettre la recommandation de Jean-Luc, comme toujours teintée de sa connaissance de l’électorat de vraie gauche « Pas une voix des nôtres ne doit aller à Marine le Pen » et de l’interpréter comme « pour le reste chacun fait selon sa conscience »
Mais la suite des évènements s’impose à moi, avec la vie militante qui fut la mienne, avec mon combat permanent contre le racisme, le fascisme, pour l’égalité des droits, pour l’écologie et c’est très clair dans mon esprit.
Je garde mon soutien sans faille à l’homme Mélenchon avec qui je revendique 30 ans de fidélité au courage et à la clairvoyance, avec qui j’ai vécu ce beau parcours du Parti de Gauche dont je reste militant jusqu’à sa mort ou la mienne mais la politique politicienne, ses joutes électorales permanentes et irréalistes pour moi c’est terminé. Je sais ce que je fais le 24 avril, je ne crois pas (et je respecte mes camarades qui en cultivent l’illusion) à une victoire/revanche possible aux législatives, la lamentable réforme Jospin (quinquennat) ayant été conçue pour que ce ne soit pas possible. Aux législatives, je voterai bien sûr, mais en fonction des réalités de ma circonscription sans illusion sur les résultats…
MAIS CE N’EST EN AUCUN CAS LA FIN D’UN ENGAGEMENT.
Tout ce qui lutte et se bat pour un autre monde possible, tout ce qui combattra contre le racisme, le fascisme, le sexisme, l’homophobie, tout ce qui dans les entreprises combattra la réalité de la classe dirigeante en matière de salaires, de dignité, de conditions de travail, tous sur le terrain syndical ou associatif, tout ce qui combattra pour un avenir radieux de notre rapport à la planète, tout ce qui sera fait pour éviter la catastrophe nucléaire des apprentis sorciers, tous peuvent compter sur ce que l’âge et les forces me permettront de partager et en tous les cas sur mon soutien.
Et si par malheur, la situation amène l’impensable à présider le pays de Jaurès, Robespierre ou Jean Moulin, quel qu’en soit le prix soyons clairs, je serai du bon côté de la barricade.
CAR C’EST BIEN SUR LE TERRAIN DES LUTTES ET SUR LE RAPPORT DES FORCES, SUR LA LUTTE DES CLASSES QUE TOUT SE JOUERA…OU PAS