La police…pour essayer de réfléchir sans passion.
Le débat qui fait rage, celui de l’horrible affaire des USA, qui ravive en même temps la non moins scandaleuse affaire Traoré, a pour corollaire tout un développement de thèses et d’antithèses sur la racisme d’une partie de la police française.
Et si on essayait, malgré la légitime passion suscitée par ces scandales de réfléchir à ce qu’est la police, ce qu’elle fait, ce qu’elle devrait être car cette affaire dépasse, à mon sens, et de loin, le racisme réel qui l’a contaminée depuis les années 2000 et j’y reviendrai.
Entendons-nous bien, nous parlons ici de la Police Nationale, ni de la Gendarmerie, ni de la police municipale dont le rôle se doit d’être différente et qu’il grave et irresponsable de vouloir armer ici ou là.
Toute société, qu’elle que soit sa forme a besoin d’un corps qui, dans le cadre des lois et règlements qui le garantissent, garantit la paix civile, qui protège contre les crimes et délits, qui assiste le peuple et notamment les plus défavorisés dans les situations vécues.
Depuis 55 ans que je milite, que proteste et manifeste, j’ai eu comme tout militant des contacts positifs ou négatifs, individuels ou institutionnels avec les policiers.
Outre les périodes des années de collaboration et de guerre d’Algérie que je ne veux pas traiter ici mais qui intègrent soumission majoritaire aux ordres de Vichy et la guerre d’Algérie avec Charonne en point d’orgue, il convient de distinguer deux périodes dans ce parcours, celle qui va grosso modo des années 60 aux années 2000 et celles des années 2000/2010 où se manifeste une évolution tragique de situations jusque-là exceptionnelles se généralisant.
Des années 60 aux années 2000, j’ai vu les débordements, ma découverte à Orléans en 1964, sur ordre du préfet de l’époque, d’une répression d’étudiants manifestant calmement sur la place Albert 1er et particulièrement d’une jeune fille de mon âge trainée par les cheveux, mais je suis aussi témoin d’une police qui en mai 68 à Orléans, accompagnait nos manifs, nous contactait pour l’organisation voire certains policiers nous prévenant discrètement de tel ou tel risque. Bien sûr il y eut à Paris ou en plus grande ville certaine répression tout en ne taisant pas le fait que les consignes du préfet de police de l'époque étaient cadrées, responsables et respectées. Bien sûr il y eut les combats anti nucléaires, il y eut la tragédie de Creys Malville avec la mort de notre camarade Vital Michalon mais je me souviens aussi de notre combat contre Dampierre, de la grande manif rallongée de 3 kms en dernière minute vu l’affluence après concertation cordiale avec les forces de police, il y eut Malick Oussekine mais dans ces affaires, notamment pour Malick , les responsables ont été sanctionnés, les politique sont démissionné.
On peut donc dire, avec le minimum d’objectivité requis, qu’à cette époque, la police servait dans l’esprit de son statut, aux ordres du ministère de l’Intérieur et des Préfets, avec les débordements incités par quelques-uns de ces derniers mais avec un esprit républicain, ce qui ne veut pas dire oubli ou pardon pour certains de leurs actes mais analyse réaliste de ce qu’elle était.
Pourquoi les choses ont dévié dans les années 2000 et se sont considérablement aggravées dans les années 2010.
Pour ma part, je pense qu’analyser la situation à laquelle nous sommes arrivés sous le seul angle du racisme qui a gangrené ce corps, ce qui est une terrible réalité, est nécessaire mais notoirement insuffisant.
La crise économique, la ghettoïsation des banlieues, la misère accumulée ont abouti à une réelle nécessité de trouver d’autres formules que la répression pure et simple et c’est ainsi qu’est née et mise en application la police de proximité. Je suis suffisamment critique vis-à-vis du gouvernement Jospin pour me permettre sur ce point de dire combien il avait raison et, malgré le niveau de difficulté, ceci ne fut pas négatif loin de là.
Parallèlement, la montée du FN et de son idéologie raciste nauséabonde, fait partie du phénomène et la contagion au sein des forces de police a commencé.
L’arrivée au ministère de l’Intérieur de M.Sarkosy, très sensible comme il l’a prouvé dès sa Présidence aux sirènes anti banlieues, anti musulmanes et tutti quanti, son accession à la présidence ont enclenché le vrai phénomène du racisme, mettant officiellement la police en victime de la « racaille dont il fallait se débarrasser », couvrant systématiquement les actes de violences policières comme celles de 2005 avec la mort de Zyed Benna et Bouna Traoré.
Ce fut aussi la remise en cause de la police de proximité par le même M.Sarkosy, qui n’hésita pas à moquer, je crois à Toulouse, un policier pratiquant le rapprochement et le calme de cette banlieue au travers de matches de foot…
Avec la défaite de ce président en 2012, il eut été logique de croire que ces attitudes, ce soutien inconditionnel aux actes de violences policières allaient cesser. Que nenni, c’était bien mal connaître la nature du PS converti en 1983 aux vertus du nouvel ordre économique dont le marché est le seul maître et c’est ainsi que notre camarade Rémy Fraysse est abattu de dos par un tir de grenade au barrage de Sievens…Bavure ? Acte délibéré ? le ministre Cazeneuve reste silencieux, les enquêtes finissent en non-lieu, bref impunité totale pour le responsable de l’acte, impunité pour les décideurs, silence coupable du ministre.
Puis ce fut l’affaire Adama Traoré qui hante encore aujourd’hui tous les citoyens épris de liberté individuelle et simplement de respect de la vie.
Les choses ne pouvaient s’arranger avec son successeur, le sinistre Valls (dont on reparle hélas ces temps-ci), aux prises avec les lois Macron, El Khomri qui « perfectionne » la répression, organise les techniques de la nasse et commence, sous couvert de blacks blocs, arrivés par miracle dans les manifs, à utiliser les armes à base de LBD et nous pouvons compter le nombre de nos camarades aux yeux crevés, gazés, arrêtés, jugés en comparution immédiate.
Devant la révolte des Gilets Jaunes et dans le combat contre les lois retraite, cette expérimentation sera développée à très grande échelle, portée par un système médiatique acquis à l’information officielle qui voudrait que les forces de police n’ont fait que se défendre face à de dangereux manifestants alors qu’en réalité ces derniers qui manifestaient pacifiquement ont été nassés, gazés, débordés par des éléments infiltrés généreusement, excités parfois pour provoquer l’incident voulu.
Comme on peut le voir dans cette analyse sans doute maladroite (je travaillais à 17 ans et n’ai fait ni l’ENA, ni Science Po), il serait trop simple de se limiter à un caractère raciste qui est réel, à l’implantation d’une mouvance majoritaire d’extrême droite dans les forces et l’un de leurs syndicats. C’est de la nature même de la conception républicaine du pouvoir et des policiers, de la limite d’obéissance aux ordres reçus (ce que permet le statut) des forces la Police Nationale, d'organisation générale de la sécurité, du respect du droit à s'exprimer et manifester qu’il s’agit.
QUAND NOUS AURONS DEMAIN, PAR L’ELECTION DE LA CONSTITUANTE, A TOUT REORGANISER, C’EST DE LA NATURE, DE L’ORGANISATION, DU FONCTIONNEMENT REPUBLICAIN DE LA POLICE ET SANS DOUTE DE CERTAINS COMPORTEMENTS A INTERDIRE ET SANCTIONNER.QU'IL NOUS FAUDRA TRAITER.