Triste fin de vie politique….la vie militante continue…entre autres
Militant depuis mon adolescence marquée par les années de répression de la guerre algérienne de libération, l’horreur du putsch d’Alger vécu par radio interposée et des actes odieux de l’OAS y compris dans nos petites villes et les victoires du peuple cubain à Santa Clara mais surtout Playa Giron, il me serait impossible de renier cette situation et d’y mettre un terme.
Acteur investi à fond dans l’espoir de Mai 68 qui continue encore aujourd’hui, j’ai vécu comme déjà relaté, tous les combats qui en ont découlé, qu’il s’agisse du pouvoir dans l’entreprise, de la révolte légitime de la jeunesse et de l’espoir de la révolution sociétale que nous portions.
Je me suis jeté à corps perdu dans l’évolution que nous voulions pour la CFDT révolutionnaire notamment le plus beau des congrès en 1970 où, grâce à Eugène Descamps nous avons proposé à ce peuple du monde du travail le fameux triptyque AUTOGESTION- PLANIFICATION DEMOCRATIQUE-SOCIALISME et reconnaissant comme base du combat social de la lutte de classes. Ce congrès ouvrait aussi pour moi, la plus belle expérience de ma vie, celle de permanent confédéral chargé, comme 2 autres camarades, du développement et de l’organisation dans l’union régionale interprofessionnelle du Centre et de la structuration de l’union régionale des syndicats PTT.
Les années 70 furent celles de tous les combats sociétaux qui perdurent encore aujourd’hui : la rencontre avec les militants de la cause homosexuelle Jean-Louis Bory et Guy Hocquenheim et le début d’un long, très long combat pour le respect des différences et l’égalité des droits, ce furent Gisèle Halimi, Simone de Beauvoir, les 343 salopes pour le droit à l’avortement, ce fut le Larzac, la démocratie dans l’armée et la découverte des dangers et de la supercherie du nucléaire avec Dampierre, et au travers cela du problème global de l'écologie…
Les années 80, outre la déception portée par le virage de la CFDT dans le sillage de celle du PS, fut pour moi celle d’un grand combat solitaire, trop solitaire sans doute, d’un dossier d’adoption en célibataire, période où j’ai découvert la perversité d’un système, celui de la loi qui prévoit le cas, des réactions catho des assistantes sociales qui parlent d’intérêt de l’enfant avec le slogan « l’intérêt de l’enfant commande un papa-une maman », du Conseil d’Etat qui invalide la décision négative du TA et de la DDASS moralisatrice qui sait détourner la décision judiciaire en publiant de nouveaux arguments jusqu’à la lassitude du demandeur et probablement la disparition de l’enfant à sauver dans un pays en guerre civile.
Curieux temps que celui que nous vivons où un certain politique notamment PS a récupéré les lauriers de la gloire en adaptant ou pas, les victoires nées de ces combats. Gisèle Halimi est restée dans l’ombre de la « panthéonisée » Simone Veil, les militants des 50 ans pour la cause homosexuelle sont effacés par la loi Taubira en oubliant même, sauf chez les militants, le courage d’un Mélenchon en 1989, le nucléaire s’est banalisé et anti-nucléaires d’aujourd’hui nous sommes encore plus ringardisés que nous l’étions il y a 45 ans, le Larzac continue à Bure, à Notre-Dame des Landes avec des difficultés et des répressions que la droite giscardienne n’a jamais voulu nous infliger à ce point…
Le temps de la vie, c’est le temps long, pas celui de la prochaine étape électorale, celui de la cause sociale et sociétale, celui de la longue marche vers les jours heureux que probablement je ne connaitrai pas mais de laquelle je suis un militant et jusqu’à ma dernière opération, mon dernier traitement même lourd, mon dernier souffle, je le resterai, fidèle, toutes proportions gardées à mes symboles admirables de jeunesse: Che, Fidel,Camillo, Ho Chi Minh, Tito, Jean Moulin et tant il reste de causes à défendre en dehors du champ politicien…Citons les combats du moment, la lutte contre la désertification de nos villes moyennes et zones rurales et pour ce qui me concerne, ma ville aimée de Gien, le combat pour le respect des êtres vivants et, récemment découverte, la nécessaire globalisation des actions contre les abattages absurdes et mercantiles des arbres plus que centenaires de nos villes, le droit à la vie des peuples colonisés, en premier lieu les Palestiniens, le développement au rail public et déjà se profilent d’autres combats comme les compteurs Linky. Oui comme depuis le début, je suis, je reste et je resterai un militant.
La vie politique c’est autre chose, depuis 1970, je pense que la victoire politique est la condition indispensable d’aboutissement de nos rêves et de nos utopies qui ne sont comme chacun sait, que les évidences de demain mais depuis 1970, le choix politique est aussi le lieu de toutes mes déceptions et le cimetière de nos espérances.
En 1969, porté par les écrits et déclarations de Michel Rocard, j’adhère au PSU, lequel finira comme chacun le sait dans l’escarcelle du PS sous le poids des ambitions électorales de Rocard qui porte une lourde responsabilité dans la dérive libérale de 1983 et bien plus dans celles années 90. Je suis donc amené à le quitter assez rapidement.
En 1978, un peu anesthésié par les sollicitations d’amis, j’accepte une adhésion au PS, pensant que je pouvais être utile et que Mitterrand qui n’est pas ma tasse de thé depuis l’Algérie ou sa tentative de récupération en mai 68, serait vite dépassé par de jeunes et brillants camarades…Belle erreur de ma part même, si je respecte l’homme de culture que j’avais rencontré avec une délégation conduite par Edmond Maire en 1974, et son statut de grand Président. En 1982, il amnistie les généraux félons d’Alger, en 1983 il choisit clairement l’Europe libérale face à l’Europe sociale…Je rectifie donc mon erreur en quittant ce parti immédiatement.
Et puis est venue l’expérience des alternatifs avec qui j’ai été une fois candidat aux législatives, deux fois à des élections locales, les municipales d’Orléans et les cantonales. Ce que j’en retiens, c’est la générosité des militants mais la limite de ce type de mouvement, limite qui atteindra inévitablement la France Insoumise, à savoir que le refus d’organisation conduit très vite des militants à l’isolement et la recherche permanente de l’organisation idéale des anti-organisation.
Une expérience électorale fut la dernière en compagnon de route du PCF à Gien en 1995 où j’ai vite compris la réalité de ce parti…Ou tu y entres comme en religion ou tu ne seras sollicité que pour faire effet sur la prochaine liste pour le prochain scrutin….
2008 fut pour moi une autre révélation, un homme d’exception comme il existe peu, un camarade courageux, un tribun comme on n’en voyait plus, auteur de la proposition de loi pour la vie commune des couples de même sexe en 1989, animateur du combat pour le non en 2005 quitte enfin le PS pour créer le Parti de Gauche; Jean-Luc Mélenchon.
Etudiant ce projet, découvrant avec grand intérêt qu’on y retrouvait, mis au goût du jour, tous nos espoirs et nos thèmes de 1968 et de la CFDT révolutionnaire, ayant établi une relation personnelle dans le Giennois avec un brillant jeune camarade qui m’impressionna en 2005 et qui l’animait, j’adhère immédiatement et nous faisons un boulot formidable sur notre secteur qui me conduit assez vite à entrer et j’en remercie mes camarades du Loiret au Conseil National du PG pendant 5 années, à faire l'effort malgré la distance d'une journée par semaine au secteur organisation, à participer aux congrès ou universités d'été.
Ces années furent formidables, ce furent vraiment les seules années passionnantes de ma vie politique et pour cette raison, quoi qu’il arrive, ce parti encaissera toujours ma cotisation. Nous avons su, dès 2013, nous apercevoir que la stratégie du front de Gauche nous conduisait à l’impasse, nous avons élaboré la plus belle des chartes : la charte éco socialiste.
Malheureusement le travers de toute organisation politique, l’ambition électorale a gagné notre parti dont le but était la révolution citoyenne basée sur la victoire à la présidentielle et l’affrontement politique avec les forces de l’ancien monde notamment la constitution de la 5ème République, électoralisme qui nous conduisit au gaspillage d’énergie sur toutes les échéances, y compris les plus inutiles stratégiquement et à la constitution d’un mouvement qui apparaît de plus en plus électoraliste, qui impose de s‘adapter aux exigences du système, qui remplace le choix d’appeler à la Constituante dès la victoire par l’anticipation de l’opposition réelle des forces de la 5ème République, qui oublie peu à peu la réalité de la lutte des classes pour une union du peuple qui peut conduite à recréer l'illusoire union de la gauche, qui cherche à coller aux instincts rapides du peuple électoral et qui conduit même à la conversion au sport populaire et à ses dérives mercantiles.
Malheureusement, alors qu’il se devait d’être l’aiguillon anti dérive organisé et fort, notre beau parti a choisi de se mettre « au service », c’est sa plus grosse erreur de stratégie.
Chacun l’aura compris, la situation marque tristement pour ce qui me concerne la fin de toute vie politique, même si, je le répète, pour les raisons invoquées je ne quitterai pas le parti de gauche, même si je ne répondrai jamais aux invectives qui me sont faites. Inutile pisse-vinaigre sans doute mais inutile pisse-vinaigre respectueux du bonheur retrouvé que ce parti et son fondateur m'ont permis…
Et maintenant…. Eh bien, la vie continue, le militant sera toujours présent sous les platanes de Gien, dans les combats contre le nucléaire, l’homophobie et tous les racismes, le peuple de Palestine et tant d’autres luttes nécessaires.
L’individu quant à lui, entré dans ce temps du crépuscule et de ses affres, outre la recherche et publications sur l’Histoire de Gien, essaye de s’atteler à une tâche rêvée depuis l’adolescence, l’écriture sous la forme d'un roman autobiographique si une vie militante aussi riche peut-être utile…
En espérant que les centaines d’amis, au moins ceux qui n’ont pas cessé de communiquer en raison d’une forme de sectarisme, continueront de témoigner de nos sentiments réciproques, en tous cas la maison leur reste ouverte….