Parce que l'Assemblée doit faire la loi, plus que jamais, la VIème République par une constituante élue du peuple
J’aurai l’occasion d’y revenir dans un texte plus élaboré mais il me semble utile et important de communiquer ce texte qui, pose clairement le fait que le passage à une VIème République par une Assemblée constituante élue apparaît comme l’impérieuse nécessité du moment avec son corollaire indispensable, la concentration sur l’élection présidentielle, garante de sa convocation.
« Texte signé par l'ensemble des députés de la France insoumise
Le Premier ministre a entamé mardi une série de "consultations" sur la réforme constitutionnelle. Le groupe parlementaire de "La France insoumise" souhaite, à cette occasion, qu'un véritable débat de fond ait lieu sur le rôle et le fonctionnement de l'Assemblée nationale, qui soit d'une toute autre ampleur que les comptes d'apothicaires, étroits et mesquins, menés actuellement par monsieur De Rugy. Nous appelons en effet à un véritable renouveau institutionnel. A libérer l'Assemblée du carcan présidentialiste de la Ve République. A couper le cordon entre l'exécutif et un "pouvoir législatif", qui n'a de "pouvoir" et de "législatif" que le nom.
"Les réformes des insoumis pour l'Assemblée, je les attends toujours!" s'exclamait le président de Rugy, lundi 19 février au matin sur France Inter. Alors, c'est qu'il ne doit pas bien nous écouter. Ou qu'il ne veut pas nous entendre. Nous, nous l'écoutons, nous l'entendons. Et c'est toujours la même petite musique qui revient: dévaluer l'institution qu'il préside pour la ramener à sa hauteur. Un dimanche, il suggère de retirer les bureaux des député·e·s, de louer des locaux par la plate-forme Airbnb. Un autre jour, en un coup de colère au perchoir, il envisage carrément de supprimer les questions au gouvernement. Ou encore, en proviseur face à des cancres, il menace les absent·e·s – qui appartiennent surtout à son camp – de sanctions financières. Mais son grand dessein, sa "grande" réforme, c'est de procéder à un plan social, de passer de 577 député·e·s à 400. Voilà la modernisation en cours!
Dans toutes ces mesures, François de Rugy s'attache à des détails, à la forme, pour mieux éviter le fond, la question qui fâche, la seule qui vaille à vrai dire: à quoi sert-on? A quoi sert le Parlement? A quoi doivent servir ses élu·e·s? Notre réponse, assez évidente: l'Assemblée devrait faire la loi. Or, c'est un secret de Polichinelle, elle ne la fait pas. La loi est impulsée de l'Élysée, transite par les ministères, avec à l'arrivée le Parlement comme chambre d'enregistrement des désirs du président. Les textes sont votés en cadence par une majorité godillot, celle d'En Marche aujourd'hui, celle socialiste hier, celle de droite avant-hier. On peut, certes, dans l'hémicycle, en commission, donner de la voix, nuancer un amendement, mais nul ne s'y trompe: la séparation des pouvoirs est une fiction, l'exécutif a la main sur le législatif. Quand il ne s'assoit pas carrément dessus, imposant la loi travail par ordonnances, et maintenant le statut des cheminot·e·s...
Cet obstacle majeur, jamais François de Rugy ne l'évoque dans ses entretiens. Pas plus que, dans sa "grande" réforme, il n'émet cette hypothèse: que l'Assemblée fasse la loi. Voilà qui n'a, semble-t-il, jamais effleuré son esprit. Et l'idée de couper le cordon ombilical avec l'Élysée paraît franchement taboue. Et pour cause: cette grande réforme est imposée, elle aussi, depuis l'Élysée. Le président de l'Assemblée ne sert, ici, que de valet, ou de – soyons polis – courroie de transmission aux désidératas du président de la République. Le premier doit d'ailleurs tout au second: c'est Emmanuel Macron qui l'a installé, intronisé au perchoir, le retournement de veste rapportant plus que le port de maillot de football. Un chef de l'Etat qui, au passage, ne fut jamais député, et qui a toujours fait montre d'un mépris pour cette fonction. C'est dire si l'émancipation du Parlement n'est pas dans les tuyaux...
A défaut de faire la loi, François de Rugy a pour marotte "le contrôle et l'évaluation", sous-entendu de l'exécutif par le législatif. Mais qui effectuerait ce contrôle? Ces mêmes député·e·s qui, chaque jour, témoignent d'une fidélité sans faille au président de la République? Qui obéissent le doigt sur la couture du costume? Qui ont interdiction de signer une proposition de loi venant d'un autre camp? Qui jamais ne soutiennent un amendement qui n'émane pas de leurs rangs? C'est cette majorité au vote automatique qui viendrait, demain, contrôler et évaluer l'exécutif? L'Élysée doit trembler.
La France insoumise est habitée d'une autre ambition. D'une constituante, d'une 6ème République qui en finirait avec la toute puissance du président monarque, qui rendrait le peuple, comme l'écrivait Jaurès, "roi dans la cité". Des commentateur·trice·s, et M. de Rugy en premier lieu, pourront trouver cette perspective lointaine, utopique, incertaine. Alors, très immédiatement, et dès l'été dernier, nous avons proposé une mesure simple: la déconnection des élections présidentielle et législatives. Qu'on les inverse, par exemple, ou qu'elles se déroulent à un an d'intervalle. Voilà qui éviterait les majorités pléthoriques, quasi-systématiques, avec des député·e·s qui doivent tout à leur président·e, la campagne électorale réduite à apposer sa photo à côté de la leur. Voilà qui renforcerait la légitimité des parlementaires élu·e·s. Voilà qui, à défaut de couper le cordon ombilical avec l'Élysée, le distendrait.
Et nous sommes convaincu·e·s qu'alors, le président de Rugy n'aurait plus à multiplier les coups de sang, les menaces, les sanctions, à dénombrer en petit comptable les présent·e·s et les absent·e·s, car les député·e·s l'éprouveraient avec joie, avec fierté, qu'elles et ils ont un rôle à jouer dans cette Assemblée redevenue une arène incertaine, le lieu d'expression des espoirs, des colères, des contradictions qui traversent notre pays. Tandis que, intimement, aujourd'hui, elles et ils ressentent l'inverse avec tristesse, que le débat y est réduit à la portion congrue, à du formalisme, à des postures, et leur rôle, le nôtre, n'est que celui de figurant·e.
La France est malade de sa démocratie. L'Assemblée en est le poumon, aujourd'hui silicosé. Tel est l'enjeu. Faute de remède, faute d'oser le remède, émanciper l'Assemblée, François de Rugy préfère brandir un bâton de gendarme en une gesticulation puérile et rageuse.
Signataires: Clémentine AUTAIN, Ugo BERNALICIS, Eric COQUEREL, Alexis CORBIERE, Caroline FIAT, Bastien LACHAUD, Michel LARIVE, Jean-Luc MELENCHON, Danièle OBONO, Mathilde PANOT, Loïc PRUD'HOMME, Adrien QUATENNENS, Jean-Hugues RATENON, Muriel RESSIGUIER, Sabine RUBIN, François RUFFIN, Bénédicte TAURINE »